Comme cette année Toussaint était ensoleillé, Lili a décidé de faire le tour du cimetière où dorment une partie de ses ancêtres dont ses grands parents paternels.
Elle n’a jamais trouvé cet endroit triste, y rencontrant toujours une connaissance, des cousins proches ou lointains. Devant ses grands parents, une intense émotion l’étreint toujours.
Pensez, ce sont chez eux que passaient les étés de son enfance. Lili se souvient de tout, de l’évier en pierre avec le seau d’eau, du puits et de la couade, du cantou où elle observait les bûches dans des myriades de flammes colorées, du sol dallé de pierres sur de la terre battue… Elle se souvient des animaux. Le matin, il fallait traire les vaches. Le seau, le banc et, à la main, faire gicler un lait mousseux, tiède dont le goût était proche de la noisette. Cinq ? Pas plus, dont certaines servaient à tracter les charrettes ou charrues. Elles avaient des prénoms, et sortaient au pré après la traite, revenaient à l’étable le soir. Entre temps on avait enlevé le fumier et remis de la paille propre.. Imaginez.. Le soir, les bêtes étaient à nouveau traites.
La vache limousine vêle assez facilement seule. Mais il arrivait de devoir veiller une mise bas délicate, voire tirer le veau avec une corde pour faciliter la délivrance. Lili a vu cela, elle a vu la vache qui léchait son petit. Des « vedelous » disait son grand père. Sans doute il en vendait pour la boucherie, des veaux. Peut être même des vaches. Mais Lili n a jamais vu sa grand mère cuisiner du veau ou du bœuf. Ces viandes étaient trop chères pour eux. Alors oui, il y avait les cochons, on leur faisait cuire « une bacade« , un mélange de légumes et son, très parfumé. Des poules à qui Lili a distribué du blé, des lapins pour qui on allait ramasser de l’herbe..
Et forcement, Lili a vu tuer le cochon. Cette pratique a disparu, tant mieux ! C’était quand même horrible la façon de pratiquer. Elle a aussi vu tuer des lapins, des poules. Mais jamais plus que nécessaire, pour se nourrir. Et surtout les animaux étaient aimés, oui aimés. Lili, avec ses grands parents, a balayé des prés pour que les vaches ne soient pas gênées par les feuilles mortes ! Rendez vous compte !
Dans ce cimetière, Lili se souvient… En ce temps pas si lointain, l’argent ne primait pas en tout. Les animaux étaient encore considérés. Les vieux, les voisins aussi… on prenait le temps. Les abattoirs au travail à la chaine, la malbouffe n’étaient pas encore la règle, le lien social existait. Pas de passéisme n’allez pas croire ! Le minimum vieillesse inexistant, une espérance de vie moindre, mais des lendemains à construire.
Lili ne croit pas en dieu. Et tant mieux ! Si l’au delà existait, que penseraient les grands parents de l’abattage de vaches gestantes ?
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